"La réhabilitation améliorée en chirurgie (RAC) s’est développée il y a environ 30 ans d’abord dans les pays scandinaves ensuite à travers le monde. Elle a atteint maintenant l’âge de la maturité. Qui n’a pas entendu parler de RAC ? Les communications orales, les conférences et les articles scientifiques ou de vulgarisation ont tous un message univoque : les mesures périopératoires fondées sur des données factuelles ont un double impact favorable pour les patients, sur la morbi-mortalité, la durée d’hospitalisation, les coûts des soins. Mais il persiste un fossé entre ce que l’on sait et ce que l’on fait. Une étude fondée sur le PMSI avant la crise sanitaire a montré que le taux d’implémentation de la RAC ne dépassait pas 20% toutes spécialités confondues. La même enquête répétée en 2023 a montré que le taux d’implémentation a doublé mais reste inférieur à 50%. Diffuser la RAC à grande échelle est devenu une priorité pour le Groupe GRACE et les Agences Régionales de Santé qui y ont un rôle majeur. Mais pour cela il faut lever des barrières comme la résistance au changement et encourager nos collègues à s’y mettre. Pour cela nous n’insisterons jamais assez sur l’importance de l’esprit d’équipe dans lequel la place d’une infirmière dédiée (coordinatrice) est centrale et indiscutable. Le suivi de l’implémentation de tout programme de RAC doit aussi se fonder sur l’Audit (www.grace-audit.fr), car comme pour toute innovation (en l’occurrence organisationnelle), il s’agit de vérifier ce que l’on applique au quotidien et améliorer ses pratiques.
En l’absence de complications postopératoires précoces, la RAC aboutit systématiquement à un raccourcissement du séjour hospitalier, jusqu’à se rapprocher de l’ambulatoire.
La chirurgie ambulatoire s’appuie sur une approche principalement organisationnelle avec pour objectif d’optimiser les durées de séjour pour faire en sorte que le patient soit hospitalisé le temps strictement utile et nécessaire à sa prise en charge. De son côté la RAC s’appuie sur un programme de soins appelé chemin clinique ou parcours de soin fondé sur des données factuelles où elle empreinte à la chirurgie ambulatoire son aspect organisationnelle avec anticipation de toutes les étapes du parcours de soins. Ainsi, on peut considérer que RAC et ambulatoire sont des sœurs jumelles. Et s’il n’y a pas d’antinomie RAC/ambulatoire, cette dernière ne doit pas être considérée comme l’aboutissement ou la finalité de la RAC, mais plutôt comme sa conséquence.
Les points communs entre ces 2 concepts sont nombreux, ils nécessitent : 1) l’implication et la coordination de l’ensemble des intervenants médicaux, paramédicaux et administratifs ; 2) un chemin clinique rigoureux conçu et adopté par toute l’équipe de soins ; et 3) la mise en place d’une surveillance post-hospitalisation liée à la sortie précoce et une gestion des risques de morbi-mortalité extrahospitalière. Les moyens de surveillance et de gestion des risques liés à la sortie précoces (RAC ou ambulatoire) sont nombreux (infirmière libérale, appels téléphoniques, SMS, applis santé) et doivent être adaptés aux conditions des opérés.
En pratique, les deux approches ont largement bénéficié l’une de l’autre, la réflexion organisationnelle de l’ambulatoire sur les circuits patients a été facilement adoptée dans la RAC, et cette dernière, par l’amélioration des pratiques anesthésiques et chirurgicales a permis d’élargir les indications de l’ambulatoire. A partir de là, la distinction entre les 2 approches devient de moins en moins pertinente et la jonction entre ambulatoire et RAC est inévitable vers un concept unique d’optimisation des parcours patients.
Enfin, la RAC évolue aussi avec une place plus grande consacrée à l’optimisation préopératoires (préhabilitation) des patients (notamment fragile) devant subir des interventions majeures, le raccourcissement de la durée du jeûne préopératoire, et la possible utilité des probiotiques dans certaines indications."
Pr K. SLIM, Chirurgien digestif, Président de GRACE
Compte tenu de ces éléments et des enjeux, également réaffirmés dans le PRS, l’ARS mène une nouvelle démarche régionale d’accompagnement afin de soutenir et de favoriser les évolutions et le développement de pratiques de référence ainsi que d’organisations performantes dans les établissements de la région.
Appel à candidatures pour participer à la démarche d’accompagnement au développement de la RAC
Tout comme pour la première démarche, nous avons proposé aux différents services de chirurgie, des établissements publics et privés de la région, de participer à la démarche d’accompagnement au développement de la RAC que nous organisons.
L’appel à candidatures a été lancé le 15 janvier dernier pour un retour initialement fixé au 16 février, puis repoussé au 15 mars afin de laisser aux équipes intéressées suffisamment de temps pour s’organiser et postuler.
De surcroit, tout comme pour la première démarche, le prestataire retenu est IRIS CONSEIL SANTE.
Constitution des groupes d’établissements
La démarche proposée prend la forme d’un compagnonnage. Ainsi, par spécialité, les services de chirurgie dits « accompagnés », volontaires pour s’engager dans le déploiement de la RAC, vont bénéficier de l’expérience de services dits « référents », ayant une pratique déjà avancée de la RAC.
Pour cette seconde démarche d’accompagnement, trois prises en charge ont été retenues parmi celles faisant déjà l’objet de pratiques RAC, à savoir :
- les prothèses de hanche et de genou (orthopédie) ;
- la chirurgie colorectale (digestif) ;
- les prostatectomies et néphrectomies (urologie).
Ainsi, 3 groupes ont donc été constitués pour cette nouvelle démarche :
Présentation de la démarche et de son calendrier
Cette démarche, tout comme la précédente, repose sur un dispositif pragmatique, méthodologique et opérationnel avec des temps de travail collectifs entre les établissements, en lien avec le service référent concerné, et avec des suivis individuels (par visio).
La démarche peut être divisée en 3 grandes phases :
- un autodiagnostic ;
- la définition d’une organisation cible et du plan d’actions ;
- un accompagnement à la mise en œuvre et l’évaluation des actions mises en place.
Vue globale de la démarche
- 1
Faire l'état des lieux du parcours actuel
- Dossiers patient (pratique et résultats)
- Organisationnel
- Chemin clinique actuel
- 2
Construire son plan d'action RAAC
- Définir le chemin clinique RAAC cible et la coordination du parcours
- Construire le plan d'actions RAAC prioritaire
- 3
Mettre en place la RAAC et évaluer
- Piloter la mise en oeuvre du plan d'actions
- Evaluer les pratiques, l'organisation et les résultats
- Améliorer ses pratiques RAAC
Détail de la démarche et calendrier
- 1
Lancement : mai-juin 2024
Réunions avec les SR : G1 : 7 juin ; G2 : 4 et 5 juin, 10 juillet ; G3 : 4 juin
Réunion de lancement : lundi 24 juin, 16h
- 2
Phase1 Autodiagnostic : juillet-octobre 2024
Réunions de présentation des outils diagnostic : 25 juin, 17h ; 26 juin, 12h ; 3 juillet, 12h ; 12 septembre, 17h
Réalisation de l'autodiagnostic : juillet-septembre
SI n°1 : Semaines du 23 septembre, du 30 septembre et du 7 octobre.
GT n°1 : Semaines du 7 octobre et du 14 octobre (sur site)
- 3
Phase2 Organisation cible et plan d'actions : Nov 2024-janvier 2025
SI n°1 : novembre 2024 (hors semaine du 11 novembre)
GT n°1 : Semaines du 16 décembre 2024 et du 16 janvier 2025
- 4
Phase3 Accompagnement : Février-juin 2025
Point d'étape n°1 : Semaines du 3 et du 10 février
Point d'étape n°2 : Semaines du 10 et du 17 mars
GT n°3 : Semaines du 7 et du 14 avril (sur site)
Point d'étape n°3 : Semaines du 12 et du 19 mai
Point d'étape n°4 : Semaines du 9 et du 16 juin
GT n°4 : Semaines du 23 et du 30 juin
- 5
Bilan et suivi : Septembre 2025-décembre 2026
Point d'étape n°5 : Semaines du 29 septembre et du 6 octobre 2025
Réalisation de l'auto-diagnostic final : Septembre-octobre 2025
Clôture : Semaines du 24 novembre 2025 et du 1er décembre 2025 (sur site)
Point de suivi à 6 et 12 mois : Juin-décembre 2026
La préparation et l’information : un patient mieux préparé
- Evaluation globale et anticipée du patient pour le renforcer avant la chirurgie : préparation nutritionnelle, physique, psychologique, sociale… (hôpital de jour…)
- Harmonisation et anticipation des bilans préopératoires entre chirurgiens et anesthésistes
- Information complète au patient « acteur » et préparation de la sortie lors d’un entretien avec une IDE coordinatrice
Mise en place d’une consultation infirmière coordinatrice
« La mise en place de la consultation IDE RAAC à l’HNFC a débuté en septembre 2022 pour les patients relevant de la spécialité colorectale puis s’est étendue en octobre à la spécialité urologique.
Elle est planifiée par une secrétaire de consultation via un logiciel de rendez-vous (Schapptbook), immédiatement après la consultation d’anesthésie, dans un bureau adjacent dédié. Durant les 30 minutes de la consultation, l’IDE RAAC s’appuie sur un livret et un guide d’entretien (co-construit avec les chirurgiens) pour expliquer au patient son parcours.
Lors de l’hospitalisation, les patients expriment la satisfaction de revoir l’IDE RAAC qui prend un temps pour s’assurer de la compréhension du parcours avant l’intervention, puis après, pour évaluer la récupération. De plus, elle refait le lien avec le parcours décrit dans le livret RAAC remis lors de la consultation sur les aspects gestion de la douleur, alimentation, marche et reprise du transit.
L’IDE RAAC contribue à anticiper les demandes de SSR (lorsque c’est nécessaire), de convalescence ou toutes autres interventions du service social facilitant le retour à domicile. Les échanges IDE RAAC-patient permettent également au patient d’être plus serein avant son hospitalisation, de mieux comprendre les actions de soins qui seront mises en œuvre dans le service et de participer pleinement à sa prise en charge. » Hôpital Nord Franche-Comté (chirurgie colorectale)
A l’hôpital – avant l’intervention
- Jeûne moderne (6h solide /2h liquide)
- Patient accueilli le jour de l’intervention (« J0 »)
- Patient contacté la veille pour le rassurer et lui rappeler les consignes
- Prémédication anxiolytique évitée au profit d’autres méthodes (si nécessaire)
- Patient actif et « debout » pour aller au bloc
« Suppression de la prémédication anxiolytique
Sur la base des recommandations de la société française d’anesthésie et réanimation (SFAR), en règle générale, les patients n’ont plus de prémédication anxiolytique. La « chimie » est remplacée par de « l’humain ». Toute la préparation avant l’intervention, l’information reçue et la communication avec le patient, le trajet vers le bloc « debout » en discutant avec un brancardier, et parfois d’autres techniques (exemple : hypnose), contribuent à rassurer et détendre le patient. Grâce à cette nouvelle pratique, le patient peut être mobilisé plus rapidement après l’intervention, ce qui favorise sa récupération ». Témoignage d’un service de chirurgie bariatrique
Le déroulement de l’intervention
- Pratiquer une chirurgie mini-invasive avec réduction des drains et sondes…
- Pratiquer une anesthésie avec analgésie multimodale, épargne morphinique…
(suivant les recommandations des sociétés savantes de chirurgie et d’anesthésie)
« Analgésie multimodale
« Le concept d’analgésie multimodale repose sur l'utilisation concomitante d’analgésiques, principalement non opioïdes, et de techniques d’analgésie locorégionale pour minimiser l'utilisation d'opioïdes et leurs effets indésirables. Cette stratégie d’épargne morphinique recommandée par la SFAR (société savante d’anesthésie), sur le programme d’optimisation péri opératoire de 2022, est un des points centraux d’un programme RAAC. Elle permet d’assurer une bonne analgésie tout en réduisant les effets indésirables de la morphine (nausées, vomissements, vertiges, iléus, rétention d’urines, bradypnée…). Le patient pourra se lever et se réalimenter plus précocement, améliorant ainsi sa vitesse de récupération. » Hôpital Privé Dijon Bourgogne (chirurgie colorectale)
A l’hôpital – Après l’intervention
- Réalimentation et mobilisation précoces (le jour de l’intervention)
- Analgésie multimodale pour réduire/maîtriser la douleur
- Critères de sortie définis et tRAACés : le patient sort quand il est prêt !
- Organisation de la sortie, documents de sortie préparés, et mise en place de l’intervention de différents professionnels pour assurer le suivi et la récupération du patient
« La remobilisation précoce du patient. Pourquoi?
- Patient autonome plus rapidement
- Moins de complications
- Sortie plus précoce
- Organisation de la sortie d’hospitalisation (retour à domicile ou SSR)
Comment?
- Une radio post opératoire de contrôle est réalisée en sortie de salle de réveil (avant, c’était le lendemain)
- Ablation de voie veineuse périphérique le jour-même (avant, c’était à J+3 ou plu tard)
- Lever des patients le jour même de l’intervention (avant c’était à J+1 ou J+2) :
- Préconisation du retour à domicile (SSR si besoin, demande anticipée un mois à l’avance)
- Intégration des kinésithérapeutes au programme RAAC (maintenant les patients RAAC sont aussi vus par les kinés de garde du week-end
Les bénéfices?
- Reprise miction/transit plus rapidement
- Diminution des risques liés à la position allongée prolongée (phlébite, infections)
- Diminution du stress avant, pendant et après la chirurgie : les patients sont bien informés avant l’intervention
- Diminution de la charge de travail des soignants
- Sortie plus précoce et en confiance (diminution du temps de séjour en 2 ans de pratique RAAC)
- Améliorations de nos pratiques, remise à jour de protocoles, remise en question de nos pratiques professionnelles
En conclusion, la mise en place de la remobilisation précoce est un réel bénéfice pour les patients, qui a nécessité une implication des équipes paramédicales et médicales. Cela a entrainé une nouvelle dynamique au sein des équipes et une réorganisation des soins.
a quantité de travail n’augmente pas avec le programme RAAC, mais diminue au fil de l’expérience. » CHRU Besançon
Le suivi après la sortie de l’hôpital
- Contacts à plusieurs reprises avec le patient (appel téléphonique et/ou outil numérique avec suivi infirmier)
- N° d’appel au sein du service communiqué au patient en cas de nécessité (accès rapide)
« Mise en place d’un outil de télésuivi (lorsque c’est adapté au patient !)
[… Cet outil permet de sécuriser la sortie du patient : il reçoit un sms pour lui demander si tout va bien le lendemain de sa prise en charge ; si besoin, il est appelé par l’infirmière et réorienté vers son chirurgien référent ou vers les urgences. Cet outil a plusieurs avantages : gain de temps la veille de l’intervention (le sms à la place d’un appel), mais aussi possibilité de faire un rappel des consignes avant l’entrée à la clinique. Les paramétrages de l’outil sont simples. Dans l’ensemble, tant le personnel de la clinique que les patients sont satisfaits, car l’application est simple d’utilisation…] [les appels téléphoniques demeurent systématiques pour certains patients. Cela est évalué lors de la consultation IDE RAAC.] » Témoignage d’un service d’urologie
« La population pédiatrique a tout à bénéficier du développement de la RAAC. En effet, la réduction des séjours hospitaliers pour les enfants est un vrai enjeu pour leur développement et leur tolérance aux soins futurs. C’est pour cette raison que la RAAC est devenue une évidence pour les équipes de chirurgie et anesthésie pédiatriques au CHU de Besançon.
Cette prise en charge permet d’améliorer le parcours patient du pré opératoire au retour à domicile, en diminuant le stress secondaire à l’hospitalisation, en limitant les soins invasifs et en faisant participer activement l’enfant et ses parents aux soins. De nouvelles opportunités d’organisations ont été ouvertes : entrée le jour de l’intervention, informations des patients par le jeu ou par support vidéo dès les consultations pré opératoires, regroupement des consultations.
Ce projet est fédérateur pour l’ensemble de l’équipe prenant en charge l’enfant tout au long de son parcours. De nouveaux projets en ont découlé, motivant l’ensemble de l’équipe : transport au bloc, information par le jeu, développement d’un parcours didactique au cours de l’hospitalisation, homogénéisation des pratiques chirurgicales et anesthésiques, amélioration de la prise en charge de la douleur.
Pour le futur, nous aimerions élargir nos prises en charge RAAC à un maximum d’interventions chirurgicales.
L’accompagnement par l’ARS nous a permis de finaliser et de concrétiser ce projet, puis d’obtenir des contacts pour des partages d’expérience avec d’autres centres et le groupe GRACE. » L’équipe d’anesthésie et de chirurgie pédiatrique du CHU de Besancon.
« Mesdames et Messieurs les chirurgiens, vous souhaitez sécuriser le retour précoce à domicile des patients que vous opérez en réhabilitation après chirurgie ou bien en chirurgie ambulatoire ? Tout comme vous souhaitez que le cathéter périnerveux posé lui soit enlevé à domicile ?
La suite de cet article devrait vous intéresser !
Depuis février 2021, les infirmiers et infirmières libérales peuvent réaliser, sur prescription médicale (écrite, qualitative et quantitative, datée, signée et accompagnée d’un protocole !), des surveillances postopératoires à domicile et aussi enlever les cathéters périnerveux posés pour l’analgésie postopératoire.
L’objectif de ces surveillances, assurées en coordination avec les services de chirurgie, est de veiller aux risques d’aggravation de certaines pathologies, à l’apparition de complications et de vous alerter si besoin.
Ces surveillances obéissent à un schéma précis quant au libellé de prescription, au nombre maximal de surveillances et leur fréquence : tous les détails sont à retrouver sur notre site www.prescription-soins-idel.fr > Prescriptions > Surveillance postopératoire !
Précision pour le jour de sortie : si la surveillance doit commencer dès le soir même après 20h00 (tenez compte du temps de trajet du patient pour rentrer chez lui), alors votre ordonnance doit mentionner que ce passage à J0 après 20h00 relève d’une impérieuse nécessité médicale pour que l’infirmier·ère libéral·e puisse coter la majoration adéquate (la RAC/chirurgie ambulatoire étant programmée en avance, ce point de vigilance peut être anticipé aisément). » URPS Infirmiers libéraux BFC